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Acouphènes

Quelques années d'usines bruyantes, une poignée de concerts rock, des mobylettes pétaradantes, des tracteurs et tronçonneuses à plein régime, des courses de voitures et motos, la sono et la télé trop fortes ont eu raison de mes oreilles. Pas que je n'entende plus, mais j’entends des sifflements incessants. Un huuuu lugubre dans l'oreille droite, et un hiiii strident dans la gauche, vingt quatre heures sur vingt quatre. Au matin, après une nuit calme, j'entends l'eau du café frémir dans la casserole. Puis au fil de la journée mes acouphènes augmentent le volume pour égaler les agressions sonores accumulées. Pour les camoufler un peu je vis avec la musique, même la nuit en dormant. Une voiture qui klaxonne, des enfants qui crient en jouant, un accordéon criard ou une amie en colère augmentent l'ambiance sonore que mes oreilles inventent pendant une heure ou deux. Il n'y a rien à faire, du moins plus maintenant: Il m'aurait fallu faire avant. Faire attention à ce bien précieux qu'est l’ouïe. Ray Charles finançait des opérations de l'oreille et des appareils acoustiques parce que disait il « la cécité n'est qu'un désagrément, la surdité est un vrai handicap qui coupe du monde.»

Je suis passé chez un voisin tout à l'heure. Il faisait la fête avec des amis, Led Zeppelin et des percussions. Je ne suis resté que le temps de boire une bière et cela a suffit à augmenter la stridence de mon oreille gauche au point de ne presque plus entendre le huuuu, tellement le hiiii est présent.

Je ne suis pas sourd. J'entends très bien tout ce qui couvre ces sifflements et qui en les couvrant les augmentent. C'est une plaie de vivre ça. Comme si je m’étais tailladé le torse, une plaie ouverte peu à peu, par manque d'attention. Je suis responsable de cet état, ne me lamente pas ni ne me plaint. J'en parle à mes proches de temps en temps, mais personne n'arrive à mesurer le désagrément que je peux avoir à entendre crier ou parler trop fort. Toutes mes amitiés et ma compassion à ceux qui savent de quoi je parle.