Vivement la connexion
Internet est un outil fabuleux. Comme tous les outils, il peut être dangereux si l'on s'en sert mal. Tout y est, le vrai comme le faux. Toutes les thèses y sont exposés, tous les thèmes abordés. C'est un outil de culture insondable et aussi de propagande effréné, un marché ouvert sur le n'importe quoi, un lien social où chacun reste enfermé chez soi. Mais s'en passer. Et par choix en plus. Par facilité. Ça reste un handicap. Je me suis passé depuis très longtemps de la télévision qui est un rouleau compresseur de l’esprit destiné à formater les consommateurs. Mais quelques fois mes dictionnaires et autres gros livres sont impuissants à m'aider.
Depuis pas mal de temps, je suis entre deux. Deux chaises, deux histoires, deux vies, deux envies, deux besoins, deux toits, deux moi. Pas assez stable pour avoir une connexion. Bien assez heureux d'avoir l’électricité, quelques fois. Bientôt chez moi, avec Wikipédia, e-mule, youtube et youporn. En phase avec le reste du monde. Ce blog grossit, peu à peu, à l'abri dans un ordinateur donné, sans connexion. Souvent, pour ne pas écrire n'importe quoi, j'aurais bien besoin d'une base de savoir. Peut être, aussi, passerais je moins de temps à me déshabiller devant qui me lit, attiré par la facilité d’être spectateur de la vie des autres à travers la lucarne magique.
Je vais me poser quelque part. Ce sera chez moi. Je n'avais plus eu de chez moi vraiment, depuis bientôt quinze ans. Un téléphone fixe avec un répondeur, une boite aux lettres et une poubelle avec mon nom dessus, la certitude de savoir où je suis, avant d'ouvrir les yeux le matin. Et une connexion. A ce jour, si je calcule large, il me reste encore soixante soirées de morne solitude avant de revenir dans le monde connecté. C'est sûrement un mal nécessaire. Le temps juste suffisant d'une gestation.
J'ai la possibilité, épisodiquement, d'approcher un ordinateur connecté et de voir à certains marqueurs que le tourbillon du monde s’accélère. Courir ne suffit plus. Il faut se propulser. Être devant n'est pas assez. Il faut être dessus.« ohé, les gars, rien ne reste sinon le nom des salauds, dans les dictionnaires ».
Et là, à l'instant où j'ai commencé ce texte, je voulais vérifier mon intuition sur l'interpellation « hé , banane » que je rapproche inconsciemment du touriste de banane de Simenon. En cherchant bien, sur la toile, j'aurais peut être trouvé une piste. J'ai commencé des textes que je peine à finir par manque de sources plus fiables que ma mémoire et mon savoir. Internet est un outil énorme pour partager le savoir. Une mémoire humaine gigantesque.
Maintenant que Pokemon Go a cartographié tout espace public inaccessible aux satellites et voitures Google, et que Candy Crush a photographié tous nos bambins pour les programmes de reconnaissance faciale et logiciels de vieillissement, tous les outils sont prêts pour entrer dans un autre monde. Celui d'où revenaient Georges Orwell, Ray Bradbury, Aldous Huxley . Quelques années encore de dictature douce au masque de démocratie et on pourra basculer dans un nouvel ordre, une nouvelle justice, une nouvelle police, planétaires avec une base de données illimitée. Nous ne sommes qu'à un quart d'heure du début du cataclysme qui nous fera adhérer à ça.
Il y a eu un attentat hier, je ne sais pas où, pas à quelle heure ni s'il y a beaucoup de victimes. Mais il y a eu un attentat hier. Comme chaque jour. Stupides crétins. Tant d’énergies, de vies, d'espoirs et d'amour sacrifiés pour un combat inutile et stérile. Notre société est un train fou lancé à pleine vitesse et même une tentative de l'aiguiller vers une autre voie est désespéré. Il faut commencer par freiner. Limiter sa dépendance au numérique, dire bonjour à ses voisins, éduquer ses enfants à cette présence embusquée derrière chaque chose, discuter au parc ou en terrasse avec des vrais gens et payer en espèces pour sauver le papier monnaie. Des détails d'affaires criminelles nous éclairent sur les facilités à suivre un téléphone ou pister des recherches sur la toile. Tous les outils sont prêts et rodés. Je vois bien l'ONU prendre le pouvoir planétairement après une crise majeure et un conflit dévastateur, aidée par un tribunal pénal international aux pleins pouvoirs compilant des masses de dossiers. « Je n'ai rien à me reprocher, ça ne me gène pas qu'on soient tous fichés. C'est les bandits qui ont peur d’être fichés.». Je l'ai entendu. C'est présager un peu vite de l'issue. Selon que le pouvoir centralisé devienne économique, social ou idéologique, l’éventail s'ouvre sur des lendemains difficiles. Attention à l'outil que nous sommes en train de fabriquer. Nous ne savons pas qui va y assortir un manche.