You are here

Le choix

Mon premier souci est d'avoir la place pour des billards. Et donc, de tout ce que j'ai vu , et quelque fois visité, j'ai retenu trois endroits dans le rayon géographique que je me suis fixé: J'ai des amis et une vie sociale dans cette région qui m'a adopté depuis une décennie.

Un corps de ferme. Très isolé, avec une grande grange à la toiture d'ardoise neuve et une maison aux planchers pourris et un toit correct avec une remise séparée et son four à pain. Non, je ne parlerais pas du prix.

Un autre corps de ferme, d'un bloc avec une cour intérieure, posé sur une pente avec une entrée de plan pied a chacun des trois étages, vraiment magnifique. Mais avec des travaux herculéens. Et un agencement éclaté pour les billards. Un petit peu moins cher que le premier.

En dernier lieu, un ancien relais de poste dans son jus, immense. A la sortie d'un petit village très sympathique avec un petit lac. Plus cher que les deux premiers réunis.

Dans le détail:

Donc, en partant du commerce le plus proche ( ils sont deux à ce carrefour) il faut passer un col assez haut pour redescendre dans une petite vallée où prend naissance une rivière. Nous sommes très prés de la ligne de partage des eaux. Et remonter la vallée sur quatre ou cinq kilomètres avant de prendre une petite route, où se croiser est impossible, pour arriver, après un gros kilomètre encore, dans une ancienne ferme. L'agent immobilier, que j'ai fini par rencontrer ( très souvent en visite ) n'a pas réussi à avoir les clefs. J'ai réussi à trouver tout seul ( merci à tous ceux qui m'ont renseigné) et n'aurais pas de commission à verser si j’achète. A pieds j'emprunte le chemin qui monte au dessus de la grange et regarde les toitures. Heureuse surprise. La toiture en ardoise de la grange est comme neuve, celle de la maison a été réparé pour ne pas fuir mais l’arrangement des ardoises montre les raccords. En redescendant je m'aperçois que la grange n'est pas fermé et jette un coup d’œil à l’intérieur. Les voliges ont encore la couleur du bois de scie. A vue de nez, il y a six à sept mètres de large sur quinze de long. Des pannes posées sur des fermes en pierres bâties. La place pour faire un étage. Je redescend vers la maison qui est fermé. Les menuiserie, en cornière de quarante sont là pour des générations. Il y a du béton par ci par là. La cave sous la maison est ouverte et l'odeur d'humide et de moisi qui y règne fait craindre le pire pour les planchers, que je vois verdâtres par dessous. Face à la maison, une remise séparée, de huit mètres au carré, au pif, dont le toit est d'amiante. Sur l’arrière le renflement typique du four à pain. Mes enfants ne me rendent pas souvent visite la où je vis actuellement et c'est vrai que je roule longtemps quand je vais les voir. Je m’éloignerais d'une heure de route, ici, à une demi heure du premier commerce et, s'il ne viendront pas plus souvent me voir, est ce que je continuerais d'aller si souvent les voir? Question prix, c'est simple. Imaginons qu'on vous donne l'ensemble et que vous fassiez un toit en ardoises sur la grange, vous y êtes. Le tout pour le prix d'une belle toiture sur un très jolie grange. Un endroit où sans grands frais, je pourrais jouer au billard tout seul. Personne ne viendra jamais jusqu'ici mais, tout compté, l'enveloppe ne maigrirait que de moitié.

Pour le deuxième corps de ferme que j'ai repéré, je vais voir l'agent immobilier qui l'a en mandat. Il m'avertit d'entrée qu’il y a beaucoup de travaux à prévoir, m'explique où ça se trouve, me fait signer un bon de visite et m'envoie voir par moi même. A deux cents mètres d'un axe routier, au dessus d'une ferme d'engraissement d'agneaux, le bâtiment est majestueux. La façade que j'ai sous les yeux, après avoir fort levé le menton, fait bien plus de quinze mètres de large sur trois étages de hauteur. Elle est lézardé par une vieille fente de ruissellement sous un pan de toit neuf en amiante. La porte d'entrée est large mais défoncée, la montée d'escalier en pierre mène à un étage sans plancher et à une porte qui donne sur la cour intérieure. Pas très grande, elle dessert tout le bâtiment. La vrai porte d'entrée se trouve la, à coté du four à pain. Quelques pans de toit sont éventrés ou écroulés. Au dernier étage, le dernier logement à avoir été habité juste après la guerre ou juste avant, serait habitable avec un bon rafraîchissement: Le pan de toit au dessus est bon, le plancher solide, les murs plâtrés sain. C'est beaucoup moins cher que le précédent, deux fois plus grand, et ça m’éloigne encore un peu de mes enfants, même si ça me rapproche de la ville, de ses commerces et ses services d'urgences. J'ai mesuré les plus grandes pièces pour m'assurer d'avoir, peut être un jour, quatre billards. Entre l'acquisition et les travaux, la totalité de l'enveloppe va y passer.

Je contacte l'agent immobilier du dernier des biens que j'ai sélectionné, qui me donne rendez-vous devant le relais de poste le surlendemain. Dans un petit village qui aurait besoin d'un peu de dynamisme, sa cour donne sur la route qui traverse le village. Le bâtiment est bien construit, c'est le plus grand des trois. La toiture de la grange n'est pas encore descendu, ça ne saurait tarder. L'agent est là, l'oiselle de mon dernier nid m'accompagne. La grange est immense, coupée par le milieu par une grande arche de pierre, le plancher de l’étage, très haut, est desservi par un escalier de pierre. Le toit vu de dessous fait peur: Les voliges sont totalement vermoulu, les pannes avachies. Le tout a deux siècles! Tellement bien construit que rien n'a été fait depuis. Sur l’arrière de la grange un ancien appentis, dont il ne reste que les murs, sympathique. La grange communique avec les caves dont trois sont voûtées et la plus éloignée muni d'un puits. Le bâtiment d'habitation est composé de quatre logements, dont deux louables, un habitable et un autre à refaire totalement, toit compris. Je n'ai pas insisté pour visiter celui qui est occupé, l'autre louable est propre avec le carrelage d'origine en bon état. Le logement du propriétaire est vieillot mais en bon état au rez de chaussée. Les planchers de l’étage sont souples sous les talons, les voliges un peu moins atteintes que celles de la grange. Coté prix, c'est deux fois la première ferme et trois fois la deuxième. Mais je me rapproche de mes enfants, de deux cols . Oui, deux cols, ça compte. Mais de l'oiselle dont je m’éloigne, aussi. Coté budget, il va falloir jouer serré. Je n'ai pas les moyens de tout faire.

Je suis retourné encore une fois voir chaque bâtiment et plusieurs fois à la recherche de l'agent qui ne me recontactait pas. Le corps de ferme isolé me tentait beaucoup, quitte à offrir une voiture à mes deux enfants, ne serait le fait que jamais personne ne viendrait jouer au billard ici. Ce qui m'a fait réaliser qu'il fallait que je me rapproche de la société. Le deuxième corps de ferme est à proximité d'une belle route et quinze kilomètres de la ville. Le bâtiment est majestueux et demande en travaux quatre fois son prix d'achat et même si je risque de trouver des adversaires, je n'aurais plus les moyens pour acheter des billards. Le relais de poste est une chose encore plus insensé, mais contre vents et marais, c'est mon choix. Mais il va falloir que je joue serré.